Dangers naturels : et maintenant ?

De par sa situation géographique et sa topographie, le Valais apparaît davantage exposé aux risques de catastrophes naturelles. En témoignent les différents épisodes qui ont ravagé le canton cette année. Une situation qui implique une approche politique ciblée, notamment en matière de construction, basée sur les prévisions des scientifiques.

Les fortes intempéries qui ont touché la Suisse cette année ravivent le débat en matière de politique sur les dangers naturels. Fin juin, à la suite des violents orages qui ont secoué le pays, le Valais dénombrait un mort dans une lave torrentielle à Saas-Grund et une personne disparue à Binn, après une crue historique du Rhône. À la même période, sept personnes perdaient la vie dans un glissement de terrain au Valmaggia (TI) alors qu’une était encore portée disparue. Des catastrophes naturelles qui, en considérant le discours scientifique, sont malheureusement amenées à se reproduire avec une intensité et une abondance accrues. Une donne d’autant plus problématique en Valais qui, en tant que canton alpin, y est particulièrement exposé.

« La topographie du Valais nous expose en effet à quasiment tous les types de dangers naturels qui existent, comme les chutes de pierres, les éboulements, les avalanches, les glissements de terrain ou encore les laves torrentielles », souligne Raphaël Mayoraz, chef du Service valaisan des dangers naturels. « Ce qui explique d’ailleurs que le Valais investit en moyenne huit fois plus que les autres cantons suisses pour s’en prémunir. »

Réalisés par les collectivités publiques dans la planification et la construction d’infrastructures de protection – digues, murs de protection, dépotoirs, galeries de protection ou encore paravalanches – ces investissements s’élèvent en Valais à environ 470 francs par année et par habitant. Dans le reste du pays, ce montant s’établit à 60 francs en moyenne.

Approche politique adaptative

Si le positionnement du Canton a jusque-là principalement consisté à bâtir des ouvrages massifs pour se protéger au mieux, Raphaël Mayoraz plaide en faveur d’une vision complémentaire. « Les efforts en matière de construction d’infrastructures de protection sont bien sûr à maintenir. Seulement, il faut avoir conscience du fait que les catastrophes naturelles vont continuer à se produire avec une intensité et possiblement une fréquence plus soutenues, notamment en raison du changement climatique. Le phénomène se développe donc de manière trop rapide pour espérer l’endiguer avec des ouvrages dont la seule planification prend déjà énormément de temps en Suisse. »

Pour le Chef du Service valaisan des dangers naturels, l’entretien et le développement des infrastructures existantes doivent impérativement être couplés à une approche plus agile. Objectif: s’adapter à ces dangers en implémentant une politique basée sur la prévention, la surveillance, la prévision et l’organisation. « Quatre piliers sur lesquels nous devons encore faire des progrès et qui, en considérant les moyens technologiques et de communication dont on dispose aujourd’hui, peuvent permettre d’améliorer encore la protection de la population et des infrastructures. »

Site de Novelis après la crue, Sierre, juillet 2024

Dérèglement climatique, ce facteur aggravant

Une vision que partage le nivologue Robert Bolognesi, fondateur du bureau d’étude spécialisé dans le domaine des risques d’origine météorologique, Meteorisk. Cette nécessité d’apprendre à vivre avec les dangers naturels s’avère évidente, en particulier en considérant l’impact du dérèglement climatique. Avec le réchauffement global, les épisodes plus fréquents de pluies abondantes auront tendance à gorger les sols d’eau et à les déstabiliser, le phénomène pouvant être accentué par la fonte des manteaux neigeux lors des redoux. L’hiver, à moyenne altitude, les avalanches de neige mouillée pourraient être plus fréquentes. Le reste de l’année, les glissements de terrain et les laves torrentielles figurent parmi les principaux risques pouvant s’accentuer.

« Les mesures organisationnelles doivent être menées conjointement au redimensionnement des infrastructures de protection existantes, construites pour certaines il y a plus de 50 ans », précise Robert Bolognesi. « En plus d’une approche globale, il s’agit d’identifier les solutions les plus adaptées à chaque situation. Sur le terrain, cela peut se traduire par la combinaison de plusieurs systèmes, comme des digues, des paravalanches et des dispositifs d’alarme. » Ces derniers, pouvant par exemple commander automatiquement des feux de circulation pour stopper le trafic routier en cas de détection de mouvements de terrain, se sont d’ailleurs considérablement améliorés durant ces dernières années. L’idée consistant aussi à limiter, dans la mesure du possible, les fermetures de routes, du moins quand les conditions de sécurité le permettent.

« Fermer une route a des conséquences parfois insoupçonnées », ajoute le nivologue. « Sans accès routier, un individu qui se blesse gravement, une femme sur le point d’accoucher ou encore une personne qui a besoin de médicaments constituent autant de situations pouvant rapidement tourner au drame. En parallèle, les enjeux économiques sont tout aussi considérables. Rien que dans le secteur du tourisme et des loisirs en montagne, on estime qu’une route menant à une grande station, coupée pendant une journée, peut représenter une perte de près d’un million de francs pour les acteurs économiques concernés. »

Travaux de déblaiement, Saas-Grund, juillet 2024

Forêt, cet allié naturel

Autre élément à considérer en matière de protection contre les dangers naturels : les forêts. Au niveau du sol, les massifs forestiers jouent en effet un rôle protecteur des plus intéressants contre les glissements de terrain superficiels, soit ceux qui se produisent sur environ deux mètres de profondeur.

« La forêt, par l’intermédiaire des racines des arbres, sécurise le sol de deux manières », explique l’ingénieur forestier Mathias Carron, membre du comité de la SIAValais et directeur associé de l’entreprise Silvaplus, spécialisée dans l’étude des forêts, l’environnement et les dangers naturels. « Déjà, grâce à l’évapotranspiration qui résulte des plantes, les sols sont moins gorgés d’eau. Ensuite, le réseau racinaire des arbres agit sur le sous-sol en le solidarisant. Ces deux effets cumulés contribuent à réduire les risques de glissement de terrain superficiel. »

Dans cette optique, la préservation des forêts constitue un élément clé. Une mesure biologique qui, conjuguée à une approche avertie en matière d’aménagement du territoire, doit permettre de mieux protéger certaines zones à risque, en particulier suite à l’urbanisation de la montagne.

« Il faut aussi savoir que l’entretien des massifs forestiers coûtera toujours beaucoup moins cher que la construction d’infrastructures de protection, comme les paravalanches par exemple », ajoute l’ingénieur forestier. « C’est un point essentiel, surtout maintenant, alors que le réchauffement climatique, avec des épisodes de chaleur et de sécheresse marqués, malmène la forêt. Pour maximiser son rôle protecteur dans le cas de glissement superficiel, on favorisera les essences aux racines pivotantes ou en coeur, telles que le sapin blanc, le mélèze ou encore le chêne. Car leurs racines se développent en profondeur, et non parallèlement au sol comme l’épicéa par exemple. Le soussol s’en retrouve ainsi consolidé. »

Travaux de déblaiement, Saas-Grund, juillet 2024

Prise de conscience nécessaire

S’il reste envisageable de mieux se prémunir contre les dangers naturels en construisant davantage d’infrastructures de protection, en intégrant des dispositifs intelligents, en améliorant la préservation des massifs forestiers ou encore en accentuant le volet préventif et organisationnel, le fond du problème reste le même. C’est en tout cas la vision de l’ingénieur cantonal Vincent Pellissier, qui dirige le Service de la mobilité.

« Il y a un immense décalage entre la perception du problème et ce qu’il se passe réellement sur le terrain. Notre réseau routier est à la fois trop vieux et trop coûteux à entretenir. De plus, il est de plus en plus sollicité par des événements climatiques extrêmes qui surviennent plus fréquemment. Malgré tout, nous continuons à produire une offre de mobilité routière dans des proportions considérables, et des demandes d’extension sont régulièrement déposées. On court à la catastrophe, car il devient impossible de surveiller et d’entretenir nos infrastructures vieillissantes, construites en grande partie dans les années 1960 à 1970, et de répondre dans le même temps aux attentes nouvelles des usagers, comme par exemple pour la mobilité douce. Outre les moyens financiers trop limités, c’est aussi un problème de ressources humaines. Avec la main-d’oeuvre dont on dispose, on ne peut pas développer ni suivre les projets correctement. Lors des crises comme celles qui s’enchaînent depuis des années, les mêmes ressources subissent ainsi une pression grandissante. Malgré ce constat, la réalité budgétaire de notre canton est terrible, puisque les ressources humaines et financières des prochaines années devraient probablement baisser. »

Avec une certaine prise de recul, la question qui se pose donc est celle de l’accessibilité à la montagne. Faut-il la garantir en tout temps, pour tout le monde et par un réseau de plus en plus dense? « C’est une question politique à laquelle il ne m’appartient pas de répondre », poursuit Vincent Pellissier. « En arrière-fond, le problème demeure celui de la croissance infinie qui, de manière désormais frontale, se heurte à la finitude des ressources, comme celle du territoire. Du côté des usagers, le niveau d’exigence est également très élevé. Il est ainsi devenu normal d’attendre que les routes soient rouvertes quelques heures seulement après des éboulements ou qu’elles soient déneigées immédiatement lors de fortes précipitations en hiver. Des performances en termes de maintien de la mobilité, par ailleurs inégalées dans beaucoup d’autres pays. Outre ces considérations, les alternatives à la route pourraient également davantage être considérées pour relier certaines régions montagneuses, par câble par exemple. »

Catastrophes naturelles : les entreprises paient aussi une facture salée

Caves inondées, vitrines détruites ou encore serveurs informatiques sous l’eau; les acteurs économiques valaisans ont également été touchés de plein fouet par les violentes intempéries qui ont secoué le canton.

Des infrastructures mises à mal qui ont notamment obligé les employeurs à déployer une logistique complexe et coûteuse pour maintenir leur activité en relogeant leurs employés pendant que les travaux de désencombrement et d’assainissement étaient menés sur le terrain.

Ainsi, pour ce qui est des dommages assurés, l’Association suisse d’assurances avançait une estimation provisoire de près de 200 millions de francs, pour le Valais et le Tessin, tous types de biens ou infrastructures confondus. Un montant auquel s’ajoutent bien entendu les pertes, difficilement chiffrables, liées à l’arrêt d’exploitation temporaire de certains sites.

À l’échelle industrielle, on rappelle par exemple que les géants Constellium et Novelis, directement touchés par le débordement du Rhône, cumulaient encore 1200 employés à l’arrêt de travail forcé deux semaines après les intempéries.

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