«Il faut chercher à concilier les différents intérêts.»

La révision de la Loi et de l’Ordonnance sur les constructions avance. Déposée au Grand Conseil, la proposition du Conseil d'Etat consiste à faire cohabiter besoins entrepreneuriaux, préoccupations environnementales et garanties qualitatives, tout en harmonisant la dynamique entre Canton et Communes. Décryptage.

Dans un secteur de la construction au cœur d’enjeux politiques, sociétaux et environnementaux multiples, concilier les intérêts de toutes les parties prenantes n’est pas chose aisée. En témoigne l’actuelle révision de la législation sur les constructions, dont les propositions du Conseil d’Etat sont désormais en mains du Grand Conseil. Pour en savoir plus sur la teneur du dossier, Rachel Duroux, la Cheffe du Service administratif et juridique du Département de la mobilité, du territoire et de l’environnement ( DMTE ) répond à nos questions. Interview.

Avant de nous intéresser à la révision de la Loi et de son Ordonnance, rappelez-nous en quoi elles nécessitent d’être adaptées.

Le secteur de la construction évolue rapidement et constitue un domaine d’activité très politisé. Depuis la dernière révision de la loi en 2018, le Grand Conseil a déposé plus d’une vingtaine de sollicitations invitant le Conseil d’Etat à adapter la législation. Ces sollicitations portaient sur des problématiques actuelles comme la durabilité, des simplifications de procédures ou encore les profils des personnes habilitées à déposer des plans auprès des autorités.

Concernant ce dernier point qui a suscité un certain débat, quel est votre positionnement ?

L’objectif est de proposer une solution qui puisse concilier tous les intérêts. Pour comprendre la problématique initiale, il faut rappeler que, dans la dernière révision de 2018, il est mentionné que les personnes autorisées à signer des plans doivent disposer d’une formation relevant du domaine de la construction et qu’en outre, les architectes, les ingénieurs et autres profils issus des hautes écoles, devaient avoir une certification complémentaire, par exemple une maîtrise fédérale dans le domaine de la construction ou simplement être inscrits au REG A, B ou C. Cela pose un problème dans l’application, puisque le domaine comprend un vaste éventail de métiers. L’interprétation de cette formulation peut en effet mener à des situations problématiques. Par exemple, en théorie, un électricien titulaire d’une maîtrise pourrait signer les plans d’un bâtiment d’habitation, tandis qu’un ingénieur en environnement ne répondant pas au critère de formation relevant du domaine de la construction ne serait pas habilité à le faire pour le réaménagement d’une décharge, même si cela constitue son quotidien professionnel.

Par ailleurs, malgré le délai transitoire de cinq ans, octroyé en 2018 pour permettre aux professionnels concernés de compléter leur formation, certains n’ont pas pris les devants et n’ont donc plus eu le droit de signer des plans dès le début de l’année dernière. Dans le cadre de la révision actuelle, la terminologie est affinée, en indiquant que les personnes autorisées doivent être certifiées dans le domaine technique du projet concerné. Enfin, et cela va dans le sens de nombreuses prises de position reçues durant la consultation de l’avant-projet, il est proposé que les titulaires d’un certificat fédéral de capacité ( CFC ) de dessinateur en bâtiment, au bénéfice d’une certaine expérience, puissent déposer des plans.

Qu’en est-il de la simplification des procédures ?

C’est une demande qui revient en effet souvent au Grand Conseil, notamment sur des points clés liés à la durabilité. Pour certains types de travaux, le projet de révision propose donc d’annoncer simplement le projet envisagé auprès de l’autorité compétente, et non plus de devoir requérir une autorisation de construire qui, elle, implique une mise à l’enquête publique bien plus fastidieuse. Ces allégements devraient constituer un gain de temps pour les citoyens, tout en favorisant la transformation du parc bâti dans le cadre des rénovations énergétiques par exemple.

Pour quels types de travaux ?

A titre d’exemple, le remplacement du système de chauffage existant par une pompe à chaleur de type air-air et air-eau, en respectant certaines conditions, notamment de protection contre le bruit. Une mesure de simplification qui ne s’applique cependant pas aux installations de type eau-eau qui, en touchant la nappe phréatique, nécessitent un contrôle spécifique que seule la procédure d’autorisation de construire permet de garantir. Le projet de révision prévoit également de se conformer au droit fédéral en matière d’installations photovoltaïques. La révision de l’Ordonnance sur l’aménagement du territoire, entrée en vigueur en juillet 2022, permet déjà de simplifier les procédures pour installer des panneaux solaires adaptés au toit d’un bâtiment ordinaire. Il est donc également proposé de bénéficier d’une simple procédure d’annonce pour ce type de travaux, sauf évidemment sur des biens culturels ou dans des sites naturels d’importance nationale ou cantonale.

Que proposez-vous concernant l’entreposage des terres végétales issues de chantiers ?

En Valais, cette question est souvent un casse-tête pour les entrepreneurs. Nous en sommes conscients. En même temps, la prise en compte de leurs intérêts ne doit pas se faire au détriment des aspects environnementaux inhérents à la bonne gestion des sols, particulièrement agricoles. Dans le cadre de la consultation de l’avant-projet, un travail étroit a été effectué avec les services de l’Environnement et de l’Agriculture pour identifier les bonnes pratiques et pour que ces remodelages de terres agricoles soient une opportunité pour les entrepreneurs sans péjorer la qualité de leurs sols. Ainsi, pour les terres de type horizon A, soit les terres végétales, il sera désormais possible de répartir cette couche sur 30 cm de hauteur maximum. Il n’y aura plus de limite quant à la surface. Ces travaux bénéficieront également d’une simplification des procédures, puisque conditionnés à une simple annonce.

Que dire sur la Commission cantonale des constructions (CCC) et du Secrétariat cantonal des constructions (SeCC) ?

Il a été reproché au SeCC de manquer de clarté sur son rôle et son fonctionnement, puisqu’il assure non seulement le secrétariat de la CCC, mais fait également office de porte d’entrée pour les dossiers communaux. Cette révision est l’occasion de clarifier ces deux rôles en les dissociant. La mise en place, en son sein, d’un guichet dédié aux communes, assurera aussi un service de meilleure qualité. Quant à la CCC, conformément au souhait du Grand Conseil, il est proposé de la maintenir sous sa forme actuelle. Elle continuera donc de fonctionner en tant que commission externe. Sa composition sera optimisée tout comme son fonctionnement, notamment en limitant ses membres à trois personnes exclusivement externes à l’Etat, contre six actuellement. Les profils des trois membres devront couvrir les aspects d’architecture, de droit et d’aménagement du territoire.

Concernant cette dernière thématique, l’outil du plan d’affectation cantonal est également proposé dans cette révision. Celui-ci est essentiel pour délimiter, en cas de besoins identifiés au sein du plan directeur cantonal ou d’une loi, des zones cantonales sur les territoires communaux pour des projets pouvant avoir une incidence spatiale dépassant l’échelle communale, ou des spécificités nécessitant de s’apprécier à l’échelle du canton. On pense ici par exemple à la rénovation de biens caractéristiques du paysage, situés en dehors de la zone à bâtir, ou encore des zones de dépôts de matériaux. Un outil qui, dans tous les cas, devrait être mis en oeuvre en veillant à préserver l’autonomie des communes.

Prise de position

La branche de la construction en appelle à plus d’ambition et de bon sens.

Très largement partie prenante, constructionvalais, l’association faîtière de la construction, a participé à de nombreux travaux préparatoires et salue la volonté du Département d’entendre les avis, besoins et remarques des professionnels.

L’association, si elle salue de notables simplifications administratives et procédurales et rappelle la réelle avancée constituée par l’introduction de l’outil e-constructions, estime que bien des points relevant de la procédure auraient encore pu être améliorés. Il en va ainsi de la possibilité de recours au Conseil d’Etat, ce qui apparaît depuis fort longtemps comme une étape parfaitement superflue, ou de la commission cantonale des constructions qui perd toute substance dans le projet soumis et devient par là même inutile.

Trois points méritent cependant une attention particulière :

  • Premièrement, la construction soutient très fortement les propositions visant à accompagner les communes valaisannes dans la mise en oeuvre des objectifs définis par la législation sur l’aménagement du territoire, en introduisant la notion de plan d’affectation cantonale. Sur ce point, et sans entamer l’autonomie communale, il serait temps de doter le canton d’un instrument législatif adéquat en la matière.
  • En revanche, la branche s’insurge très fortement contre la volonté démontrée de restreindre et de modifier les dispositions relatives aux qualités requises pour être « auteur de plans ». La variante actuelle a démontré son efficacité et sa correspondance avec la réalité du terrain.
  • De même, constructionvalais estime que la solution proposée en matière de remblais rate sa cible et aurait mérité plus d’ambition. À ce titre, le Législateur ne doit point perdre de vue que les terres végétales, Horizons de type A et B, sont des terres à protéger au sens de la législation fédérale, que les entrepreneurs sont tenus de les revaloriser et que les mettre en décharge devrait être l’ultima ratio. De ce fait, cet axe qui est aujourd’hui prioritaire dans la politique fédérale et cantonale se doit d’être traduit dans la nouvelle législation. Dès lors, considérant que la matière classée sous la dénomination Horizon de type A –terre végétale– devrait pouvoir faire l’objet d’améliorations foncières sans autorisation, et ce dans les mêmes limites que la procédure sans autorisation prévue dans la révision, soit 1,50m, cette ouverture permettrait d’éviter d’inutiles coûts administratifs tant pour le requérant que pour l’autorité. Ainsi, le Législateur doit donner les moyens des ambitions de sa politique pour la réutilisation de ces matériaux, et donc faciliter leur utilisation sans démarches administratives stériles. Nous pensons que l’objectif essentiel pour l’Etat du Valais est de savoir où les terres sont déposées et d’avoir un suivi géologique adéquat.
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